L’idée selon laquelle l’allaitement favorise la perte de poids durant la période du post-partum est très répandue. Cependant, beaucoup de mères allaitantes témoignent d’une perte de leurs kilos de grossesse très limitée, voire même d’une prise de poids, malgré un allaitement bien mis en place. Alors, l’allaitement fait-il vraiment maigrir ? Quels facteurs sont en jeu dans la perte de poids en post-partum ? Décryptons les causes physiologiques et psychologiques de la perte des kilos de grossesse chez les mamans allaitantes.
L’allaitement fait maigrir : mythe ou réalité physiologique ?
Premier constat : des études ont montré qu’allaiter entraîne une diminution du risque de conserver ses kilos de grossesse. On estime que l’augmentation des dépenses caloriques de la mère allaitante est de l’ordre de 500 kcal environ par jour pour produire le lait. Il est donc logique que si la dépense calorique est plus importante que les apports, cela entraîne une perte de poids. Cependant, certaines études montrent que l’allaitement n’a qu’un léger effet sur la perte de poids durant les 12 premiers mois de post-partum et cela, à la condition qu’il s’agisse d’un allaitement exclusif. Les effets sur la perte de poids maternelle seraient encore moindres s’il s’agit d’un allaitement partiel. Une modification du métabolisme de la mère ou encore une augmentation de l’appétit lié aux variations hormonales sont des facteurs physiologiques à prendre en compte dans l’équation. En résumé, l’allaitement à bien un effet sur la perte des kilos de grossesse, mais cela doit être mis en perspective avec de nombreux autres facteurs qui peuvent expliquer que la perte de poids n’est pas celle espérée…
Allaitement et comportement alimentaire
Au cours de l’allaitement, une femme aura tendance à surveiller son alimentation de la même manière qu’elle le fait durant sa grossesse. De plus, l’alcool est proscrit ce qui est en faveur d’une perte de poids. Cependant cette nouvelle vie, avec son lot de responsabilité, de tâches à réaliser pour prendre soin du bébé, mais aussi le nouveau statut de maman conduit beaucoup de femmes à s’oublier au profit de l’enfant. Leurs besoin passent après ceux du bébé, y compris en termes alimentaires. Le manque de sommeil, le manque d’activité physique, le surmenage et la charge mentale ont souvent raison du temps que l’on pouvait s’accorder auparavant pour manger équilibré. Une alimentation sur le pouce, des fringales voire des comportements alimentaires compulsifs peuvent apparaître durant cette période de fragilité psychique et émotionnelle. Ceci explique en partie le maintient du poids malgré un allaitement bien mené, même exclusif.
Allaitement et charge mentale
La charge mentale n’ayant pas de définition précise et ne constituant pas un symptôme répertorié dans les classifications habituelles des troubles psychiques (type DSM), il est difficile d’évaluer objectivement l’intensité de la charge mentale des femmes, a fortiori des mères allaitantes. Cependant, en se basant sur les témoignages de nombreuses femmes, nous pouvons affirmer que beaucoup d’entre elles ressentent une charge mentale plus importante après l’arrivée d’un enfant. Elles constatent également une charge supplémentaire effective dans la répartition des tâches au quotidien et dans les soins du bébé. De plus, il est aisé d’imaginer qu’une femme qui allaite sera bien plus sollicité(e) que son(sa) partenaire, notamment la nuit. Les troubles du sommeil lié à l’allaitement ainsi que la sur-sollicitation de la mère allaitante pour nourrir son enfant ajoutent un poids non négligeable dans la tête de ses mamans. Cela peut se traduire physiquement par une augmentation du poids du corps. N’oublions pas qu’une mère qui n’allaite pas, pourra se d’avantage se reposer son son(sa) partenaire pour les repas, ce que ne pourra pas faire une mère qui allaite. Le corps de la mère sollicitée en permanence se mettra donc « en mode survie » et fera tout pour garder le peu d’énergie qu’elle a. Et que sont les kilos si ce n’est de l’énergie stockée ?
Le mythe de la « mère parfaite »
De nos jours, une forte pression sociale est mise sur les mères, leur corps après l’accouchement et aussi la façon de prendre soin de leur enfant. Il faut être une bonne mère, contenante et donc correspondre à l’image inconsciente collective de la femme ronde rassurante et allaitant son enfant telle une Vénus de Boticelli. Mais il faut également retrouver son poids d’avant grossesse, allaiter son enfant car c’est mieux pour sa santé (mais pas trop longtemps), répondre aux besoin de l’enfant de façon inconditionnelle tout en restant une femme épanouie. Une telle pression a de quoi donner le tournis. En résulte une pression sur les mères d’aujourd’hui qui se mettent des objectifs irréalisables en tête et se culpabilisent de ne pas être la mère et la femme idéale. Cela peut se traduire dans leur comportement alimentaire par une augmentation des compulsions et de l’alimentation réconfort qui va venir pallier à toutes ces émotions négatives. Ces injonctions auront également pour effet de conduire certaines femmes à entreprendre un régime amaigrissant qui n’aura pour effet que d’augmenter le cercle vicieux de la prise de poids.
L’allaitement et les limites du corps
Chaque femme a une structure de personnalité différente. Selon la structure de sa personnalité, une mère acceptera plus ou moins bien la proximité avec son enfant. L’allaitement est un moment de proximité extrême durant lequel les corps se mélangent pour ne faire presque plus qu’un. Allaiter c’est donner littéralement son corps à un autre dont la survie en dépend. Il se peut que, consciemment ou non, certaines mères ressentent des difficultés à gérer cette limite. On peut imaginer que le poids, en tant qu’enveloppe corporelle joue ce rôle de mise à distance avec l’enfant afin de préserver l’intégrité psychique de la mère. Ainsi, les kilos ayant une fonction de mécanisme de défense psychique, auront pour la mère d’autant plus de mal à la quitter, puisqu’ils assurent un rôle de rempart contre un potentiel effondrement psychique (dépressif ou anxieux par exemple).
Conclusion
Bien que l’allaitement montre certains bénéfices physiologiques sur la perte de poids en post-partum, il ne se suffit pas à lui-même pour perdre les kilos accumulés durant la grossesse. Il mobilise en effet beaucoup de ressources physiques et psychologiques chez la mère qui peuvent conduire à un maintien, voire à une augmentation du poids en post-partum. Nous ne conseillerons jamais trop aux jeunes maman de trouver le moyen de prendre soin d’elles, de la façon qui leur semblera la plus adaptée à leur situation. Sans tomber dans l’écueil d’une injonction supplémentaire pour les mères à être parfaites et épanouies à tout prix, nous pouvons cependant les encourager à répartir les tâches autant que faire se peut, à trouver quelques minutes pour penser à leurs propres besoins psychiques et corporels, et à se faire aider par des professionnels de la santé en cas de besoin. Lorsqu’on est plus léger dans sa tête, on l’est plus dans son corps
Références :
https://sante.gouv.fr/IMG/pdf/allaitement.pdf
https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/Allaitement_rap.pdf
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Jarlenski MP, Bennett WL, Bleich SN, Barry CL, Stuart EA. Effects of breastfeeding on postpartum weight loss among U.S. women. Prev Med. 2014 Dec;69:146-50. doi: 10.1016/j.ypmed.2014.09.018. Epub 2014 Oct 5. PMID: 25284261; PMCID: PMC4312189.